Rentrer. Rentrer après si longtemps. Cette pensée est apparue comme évidente ce matin. Neuf mois que je suis partie. Sans un regret. Et ce matin, je pense à rentrer. Je suis partie de mon plein gré, la décision de rentrer ne pouvait que m’appartenir. Je n’ai rien à leur dire. Pas de reproches. Je n’attends rien. Je sais que je n’obtiendrai jamais de mots d’excuse. Seulement… je veux rentrer à la maison. Que ce soit aujourd’hui ou demain, maintenant que cette pensée est là, elle ne partira pas, tant que je n’aurai pas fait un pas. Pendant neuf mois, partir était une évidence, ce n’est plus le cas. Je vais téléphoner, leur demander s’ils sont libres ce weekend. Ils ne comprendront pas ce changement d’attitude après de si longs mois de silence, mais ils ne questionneront pas. Ils diront oui, car ils attendent depuis longtemps. Je viendrai. Ils seront là. On se dira « Bonjour, comment ça va ? Ça va, et vous ? » Et après…
Une heure. Plus qu’une heure. Et tous les sourires de ces imbéciles s’effaceront. Tous les murs décrépis s’effondreront. Les heures s’arrêteront. La fumée avalera toutes celles qu’expirent les fumeurs à longueur de journée. L’odeur de roussi couvrira les effluves de détergent dans les couloirs. Tous vos sourires disparaîtront. Vos sourires faux. Vos sourires idiots. Vos sourires de tous les jours. Vos sourires de bonne humeur. Vos sourires supérieurs. Dans une heure, pouf ! Plus rien ! Et toi qui me regarde… pourquoi donc es-tu habillé en blanc ? Ne le sais-tu pas ? Ne le sens-tu pas ? C’est bientôt la fin. Tu devrais être en noir, assurément ! Ce sera bientôt la panique, tu comprendras ton erreur. Trop tard… Non, tu ne sauras pas. Personne ne saura. Tu souriras. Vous sourirez. Il y aura un grand boum ! Et pouf ! Plus rien… Vos sourires auront juste eu le temps de disparaître pour laisser place à une expression défigurée. Alors, souris tant que tu veux pendant que tu le peux, car tu ne l’emporteras pas avec toi.
Encore une heure dans le métro aujourd’hui et toujours pas de places assises… Et vas-y que je te pousse par-ci, et vas-y que je te pousse par là. ah non mais ça va pas dans votre tête ou quoi !? Vous pouvez pas attendre comme tout le monde ? Toi tu me pousses par la droite pour sortir ! Toi par la gauche ! Eh oh ! Moi je reste ! Alors toi tu t’arrêtes de bouger ! Toi tu sors ! Ou l’inverse, et après toi tu pourras sortir, mais ne me mettez pas au milieu ! Non mais tu écoutes ce que je te dis ou quoi ? J’ai dis pas bouger pendant que Môsieur descend ! Non mais pas toi ! L’autre ! Vos oreilles, vous savez vous en servir ou c’est juste pour la déco ? C’est quand même pas bien difficile ! Toi : pas bouger. Comme ça moi je décalle. Et l’autre y sort. Après je me re-décalle, et toi tu sors. Et moi j’ai la paix ! Comme ça tout le monde il est content ! C’est quand même pas bien difficile, bon sang ! Non ? Tu as besoin d’un petit numéro en plus ? Toi t’es Môsieur numéro 1, moi Môsieur numéro 2, et lui là Môsieur numéro 3 ! Allez ! On passe son chemin, et plus vite que ça !
Oh non… j’aurais pas dû… Oups ! Le verre de trop… c’était, euh… le verre… c’était de trop… non, non, non, non… de trop… le verre…étais-ce, de… non, non, non, tait rop le verre, le rer de rop, roh non non ! c’tait l’ver… euh… de quoi ? Euh… ah ! Oui ! C’était, oui, oui, oui, c’était… c’était… c’était trop ! oui, ah… non… pas ça… non… si… non non non… le verre ! Trop le verre… non… trop de verres… oui, non, verre en trop, verre de trop, ah oui oui oui voilà ! C’était… le … verre… de… euh… de… euh… c’est… c’était… ce fut… euh non… un verre… des verres… la verre… le verre… ah oui… oui oui… de trop ! C’est ça ! Oh la tête tourne… le verre de trop… ah oui ! C’était le verre de…
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