J’ai vu
de mes yeux vu
ce que tu n’as pas vu
ou ne veux pas voir.

Je ne sais plus en quoi croire.

Parfois,
je suis sûre que tu n’ignores point ce que tu feins.
Pourtant,
aujourd’hui,
je ne dis plus rien,
parce que j’ai trop vu ce que je ne voulais pas voir
et ton assurance me fait douter avec le temps.

Je ne sais plus ce que j’ai vu.
Je ne sais plus ce que j’ai cru voir.

Je ne sais plus ce que tu en as vu.

Les souvenirs me déchirent le cœur en deux,
si bien que je voudrais les vomir
pour éclaircir mes pensées de toute cette buée.
Pourtant, je ne peux gommer
ce que de mes yeux j’ai vu.
Je ne peux lacérer ces pensées qui peuplent mon esprit.
Je ne peux oublier la peur que j’ai ressentie
tous ces jours où j’ai eu à te faire face.

Avant, je pensais que maintenant,

je serais loin de toi.

Pourtant,
maintenant,
je suis toujours là.

Toi aussi.

Maintenant, je feins autant que toi…

En moins bien.

Les souvenirs refont surface.
Je les noie dans l’oubli.
Mais ils refusent de rester au fond du gouffre.

Alors je veux dire ce que j’ai vu de mes yeux vu.
J’essaie.
Mais je ne peux pas.

Je ne peux briser ce silence qui a duré trop longtemps.
Alors j’écris.
Je t’écris.
Sans te dire que je t’écris..

Ne te méprends pas,
je ne t’écris pas à toi,

je t’écris toi.

Bientôt, tu le liras..
D’autres le liront..
Personne ne saura que je t’écris toi.
Personne ne le comprendra.

Même pas toi.

Alors je m’arrête d’écrire…
C’est insoutenable de savoir que tu ne réaliseras pas
que je m’adresse à toi des centaines de pages durant.
C’est insoutenable de savoir que dès la première ligne, tu le devinerais.
C’est pourtant encore plus insoutenable d’abandonner ce manuscrit inachevé.
Tout écrire pour tout détruire.
Toute t’écrire pour te décomposer.

Pour te faire devenir autre.

Pour que le personnage incarne
celle que tu as été,
et la personne que tu es
devienne déshabillée de ce costume méprisable.

J’ai vu.

Et il me reste à voir.

Mais ce que j’ai vu auprès de toi
brouille mes yeux de la possibilité de voir ce qu’il y a à voir maintenant.
Je ne vois toujours que toi,
même quand tu n’es pas là.
Même quand je n’écris pas.

Je te fouille.

Mais je ne te comprends toujours pas.

J’ai vu.

Je t’ai vue.

Je te vois.

Je suis là. Face à toi.

Tu ne me vois pas. Tu me vois autre.

Tu ne m’as jamais vue…